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01/12/2014

Pour l'avenir d'un cinéma indépendant à Metz

L'association l’œil à l'écran s'associe au mouvement de protestation contre l'attribution d'un monopole de distribution cinématographique à Metz et son bassin, ainsi qu'à la politique mise en œuvre concernant l'offre cinématographique. Nous sommes signataires de ce communiqué:

Communiqué d'un collectif d'associations œuvrant
à la promotion d'un cinéma de qualité à Metz
 

Parce que nous considérons que le cinéma  n’est pas  une industrie marchande mais  un ART c’est-à-dire une ouverture sur le monde dans sa diversité humaine et culturelle,  un outil de partage et de lien social et un support à la connaissance, à la réflexion et à l’esprit critique,  nous ne pouvons qu’être inquiets des décisions qui viennent d’être prises pour nos concitoyens de Metz et des environs 

Le choix de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) du 17 novembre dernier et la volonté de  la Municipalité de Metz, de confier la totalité de la programmation cinématographique de la Ville et de sa périphérie à un  opérateur privé, en l’occurrence  Kinepolis, institue un MONOPOLE qui, à nos yeux,  n’est pas de nature à garantir le pluralisme et la créativité en matière de programmation cinématographique.

 Ce choix sera lourd de conséquences pour les salles de  cinémas « à taille humaine»  de Marly, d’Ars- sur- Moselle, de Pont-à- Mousson, qui avaient su par leur convivialité, leur programmation équilibrée et  leur engagement militant, « fidéliser » un public de proximité.  Il consacre la fin dans la Ville de Metz, de la grande tradition cinématographique du cinéma indépendant. Ce n’est pas seulement un choix qui concerne le cinéma, l’offre culturelle ou l’aménagement d’une ville. C’est aussi un choix de société.

  Les  missions « d’éducation à l’image » et d’ACCES  POUR TOUS à un cinéma de découverte  et de recherche, à  un cinéma dans toute sa  puissance de créativité, d’engagement et de poésie, relèvent des politiques publiques. Nous regrettons qu’elles  soient de fait confiées à  un gestionnaire privé  qui n’a pas pour vocation de les assurer et qui n’apporte pas la moindre preuve de son expérience en la matière. Les associations et les institutions éducatives et culturelles qui se consacrent au cinéma sont ainsi placées  dans la situation inédite et paradoxale de  subordonner leur engagement, par nature désintéressé, aux stratégies d’un opérateur dont ils ne partagent pas les valeurs. Ce n’est pas faire un procès d’intention à Kinepolis que de dire que sa logique  est autre que culturelle, et  que ses objectifs sont d’abord de rentabilité économique .

L’existence d’un contrat de partenariat entre la Ville de Metz et l’opérateur devrait garantir une programmation exigeante et une forte animation culturelle et  associative mais nous savons tous trop bien ce qu’il advient des exigences culturelles et qualitatives  consenties au départ dans un «cahier des charges», quand les opérateurs privés se trouvent confrontés à celles de l’audimat, des entrées, du chiffre d’affaire et du retour sur investissement.

 Nous pouvions  légitimement  espérer  que le Cinéma  d’Art et Essai au sens noble où nous le défendons, mériterait - au même titre que la Musique, la Danse, les Arts plastiques ou  le Théâtre - un projet culturel ambitieux dans un lieu spécifiquement dédié, assumé et porté par la Ville de Metz, comme c'est le cas dans de nombreuses autres villes : Grenoble, Caen, Tours, Aix-en-Provence, Epinal… ou encore plus près de nous Sarrebourg, Thionville. C’est bien en ce sens que le CNC (Centre National  du Cinéma), chargé de défendre la création cinématographique et sa diffusion, s’est opposé à ce projet.

 Pour toutes ces raisons, il est évident que si nous avions été étroitement associés, écoutés, et réellement reconnus comme de véritables partenaires dans l’élaboration du projet, nous n’aurions pas défendu l’option retenue.

Le 29 novembre 2014

Signataires (par ordre alphabétique du nom des associations) :

 

 

 Contacts

 

Association  Ciné Art
Association  Cinéma Union (Ars)
Association FRAC Lorraine
Association  Fragment
Association  L'oeil à l'écran
Association  Marlymages
(Marly)
Association
The Bloggers Cinema Club
cineart.metz@gmail.com
rene-parmentier@numericable.fr
info@fraclorraine.org
info@fragment-asso.com
oeil.ecran@gmail.com
marlymages@gmail,com
contact@thebloggerscinemaclub.com

 

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 Pour contacter le Cinécollectif écrire à : cinecollectif.metz@gmail.com

     
       
         

30/11/2014

Entretien avec Marceline Loridan

Marceline Loridan n'ayant pu se déplacer à Metz pour la projection de Une histoire de vent, nous sommes allés la rencontrer chez elle, à Paris.

Elle nous a accordé cet entretien pour une présentation du film qu'elle a réalisé en 1988 avec Joris Ivens. Cet entretien a été projeté en salle de cinéma lors de la séance au Caméo Metz du 13 novembre.

Mais c'est plus qu'une simple présentation du film: elle y évoque sa rencontre avec Joris Ivens, leurs films communs, leur couple et son passé douloureux (sa déportation à Auschwitz à l'âge de quinze ans).

Nous avons procédé à un nouveau montage qui rassemble en une partie les deux séquences projetées avant et après le film.

20/10/2014

Une histoire de vent de Joris Ivens et Marceline Loridan

Jeudi 13 novembre à 19h aura lieu au cinéma Caméo-Ariel de Metz la projection du film Une histoire de vent de Joris Ivens et Marceline Loridan (1988) en présence de Marceline Loridan (sous réserves). Ceci dans le cadre de la nouvelle exposition du FRAC Lorraine, Rumeurs du Météore (du 17 octobre au 11 janvier).

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 Le réalisateur Joris Ivens, aux côtés de sa co-réalisatrice et compagne, signait là son dernier film qui est un retour en Chine, sur des terres qu'il explorait déjà en 1938 lors de la guerre sino-japonaise et la lutte pour la création d'une république populaire (Les 400 millions, film de 1939), puis lors de la révolution culturelle (Comment Yukong déplaça les montagnes, série de 12 films déjà co-réalisés avec Marceline Loridan entre 1971 et 1976).

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Celui qui se définissait comme un cinéaste révolutionnaire est allé sur tous les fronts où se déroulaient des combats politiques et des mouvements de libération des peuples (la Chine, le Vietnam, Cuba, le Laos, le Chili). Son regard de cinéaste, cependant, resta indépendant, plus proche des gens ordinaires qu'il rencontrait que des leaders et leurs lignes politiques.

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 Sa caméra qui servit au tournage des 400 millions se trouve aujourd'hui au Musée de la Révolution de Pékin: il l'a offerte aux apprentis cinéastes qui combattaient aux côtés de Chou-En-Lai. Cette caméra contribua la naissance du cinéma chinois.

 Une histoire de vent est un retour dans lequel le cinéaste se met en scène: le vieil homme de 90 ans (il est né en 1898)  revient sur ces terres chinoises qu'il connaît bien, pour filmer et enregistrer le vent: quelque chose, à première vue, d'improbable, d'aléatoire, une utopie, un rêve de cinéaste, une illusion!

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 Nous sommes plus sur le terrain de Georges Méliès (son film Le voyage dans la Lune y est d'ailleurs présent) que du côté des frères Lumière, alors que sa vie durant Ivens a filmé au plus près de la réalité des gens et des événements, allant jusqu'à prendre de réels risques en s'immergeant dans les situations sociales et politiques les plus difficiles ou dangereuses. Cependant il n'a jamais voulu être enfermé dans une catégorie, ni son cinéma dans une seule définition:

"Je vois tout l'art cinématographique dans un grand flot: film de fiction, film documentaire, actualités et des mélanges des trois genres." (entretien en 1977 pour la revue allemande Filmfaust).

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Géographie, climats, eau et vent

Ivens était hollandais. Très tôt il s'est intéressé aux éléments naturels (la mer, la pluie, le vent), aux efforts des hommes pour se servir ou repousser ces éléments. Ses films Les brisants (1929), La pluie (1929), Zuyderzee (1930), Le chant des fleuves (1954), Pour le Mistral (1965), témoignent de cet intérêt. S'il y avait quelque chose d'expérimental dans ses premiers films muets, placés sous le signe des avant gardes et de Dziga Vertov, son oeuvre est irriguée par les lieux géographiques, les déserts, la mer, la puissance des éléments et les hommes qui se trouvent dans ces lieux. Les événements sont attachés aux lieux géographiques, topologiques, humains. Le vent représente à la fois l'Histoire et la Liberté: il chasse, il renouvelle, c'est le souffle nouveau qui balaye tout ce qui est figé, sclérosé.

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 A la recherche du souffle

 Une histoire de vent, c'est aussi la recherche du souffle. Au sens propre celui qui manque au vieux  cinéaste qui ne dispose plus, dit-il, que d'un demi-poumon. C'est aussi la recherche d'un souffle créateur, de l'inspiration: celle d'un artiste qui cherche à boucler son parcours (il y a bien un côté testamentaire dans ce film) et qui veut concentrer toutes les exactitudes: être présent au monde ici et maintenant, tout en étant en accord avec son passé, avec ses actions, avec ses sentiments et, surtout, atteindre une légèreté, physique, intellectuelle.

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 Pied de nez

 C'est cette légèreté qui définit peut-être le mieux Une histoire de vent. Une jubilation, une jeunesse, parcourent le film de part en part. Le cinéaste jette un regard malicieux sur lui-même, sur son histoire et sur la situation en Chine en 1988 (regard critique sur ce pays, un an avant Tian’anmen que Joris Ivens aura tout juste le temps de connaître avant de mourir). Ainsi ses déboires filmés avec des fonctionnaires lui attribuant généreusement 10 minutes de tournage pour une séquence sur les guerriers de l'éternité de l'empereur Qin Shi Huang, lui qui côtoya Chou En-Lai, Hô Chi Minh ou Fidel Castro! Ainsi sa réponse pleine d'humour en mettant en scène des répliques miniatures de ces guerriers.

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 Fiction, documentaire? Fiction et documentaire! Loin de ce qu'on nomme aujourd'hui, par une espèce de soucis de classifier, "documentaire de création" ou, pire, "docufiction", Joris Ivens fait toujours bouger les lignes dans ce film que les cinéastes d'aujourd'hui auraient tort d'ignorer. Même plus de 25 ans après sa réalisation, il garde sa fraîcheur, sa fécondité et sa profondeur. Marceline Loridan, lors d'un entretien pour L'Institut Lumière de Lyon en 2009, insistait sur l'aspect novateur de ce film qui, disait-elle, avait 20 ans d'avance sur son temps (voir cet entretien).

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Marceline Loridan-Ivens a continué seule une œuvre personnelle de cinéaste (La petite prairie aux bouleaux, avec Anouk Aimée, en 2003, où elle évoque son propre parcours de déportée, toute jeune fille, dans les camps nazis de Auschwitz-Birkenau). En 2008 elle publie ses mémoires (Ma vie Balagan).

Toutes les images de cet article sont extraites des films Une histoire de vent et Les 400 millions.