19/02/2015
Education à l'image, aux médias et au cinéma: quelle urgence?
Alors que nous assistons, impuissants, à une hégémonie mondiale de l'image-choc (parfois déstabilisante pour nos sociétés), multipliée et accessible à l'infini grâce aux réseaux numériques et aux terminaux de poche (smartphones, tablettes, ordinateurs), la question de l'urgence d'une éducation à l'image se pose. Quels rapports existe-t-il, en effet, entre la dextérité technique des "digital natives" (la petite poucette que décrit Michel Serre) et l'usage raisonné d'une connaissance, d'une culture? On ne peut rester confiant devant des avancées techniques, toutes flatteuses et séductrices soient-elles, sans considérer les contenus qu'elles véhiculent.
Il serait aveugle de ne confier l'apprentissage qu'aux seules techniques, aux dépens d'une connaissance, d'une rencontre et d'une expérimentation.
D'une part les éducateurs auront toujours un temps de retard sur leurs élèves par rapport à des pratiques en constante évolution (les réseaux sociaux étant infiniment plus rapides que les propositions institutionnelles); d'autre part la dextérité et la prise en main de nouveaux supports sera, elle aussi, plus rapidement mise en œuvre par les nouvelles générations. Il sera donc illusoire de se placer sur le terrain technique uniquement.
Ce que l'éducation peut apporter (car il n'existe pas de génération spontanée!), c'est donner du sens, du recul, de la connaissance, de l'Histoire, à des pratiques qui ne peuvent s'entendre détachées de tout ce qui les a précédées.
C'est aussi permettre la création, provoquer des situations, s'essayer à une vraie fabrication, complète et évaluée par ses semblables, qui sera infiniment plus riche qu'être uniquement consommateur.
Ainsi on approchera d'une vraie éducation humaniste et sociale tenant en compte le monde actuel avec sa rapidité, sa prédominance de l'image.
Un exemple: le cinéma. Il n'est pas uniquement un bien de consommation distrayant disponible sur différents supports, résultat bienveillant de l'offre de grandes compagnies productrices.
Le cinéma a une histoire, technique, esthétique, des créateurs, des courants, une variété: cette richesse inouïe ne se donne pas d'emblée. L'approcher ouvrira l'esprit du futur spectateur qui, ainsi, usera de son esprit critique, de son intelligence et participera à une véritable culture du cinéma. Il est à noter que, sans doute, dans nul autre pays que le nôtre sont diffusés une aussi grande variété de films de toutes origines, cela grâce à une histoire nationale qui a vu l'émergence des cinémathèques, de l'éducation populaire, des ciné-clubs, de la critique de cinéma, de lois favorisant cette diversité, toutes choses fragiles, pas forcément éternelles. Cette diversité, il faut la protéger et cette curiosité, il faut l'entretenir.
Montrer à des enfants les premiers films des frères Lumière, leur faire comprendre la nature concrète de l'animation de l'image, leur faire toucher une pellicule et projeter un film en 16 mm, leur faire fabriquer des appareils simples (zootropes, thaumatropes), mais aussi réaliser avec eux des petits films d'animation ou en pixilation, les faire participer à un festival de films scolaires, le chantier est ouvert!
Francis Guermann
16:37 | Tags : éducation à l'image, cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)